Les secrets des miracles économiques du Vietnam et de la Pologne

Les secrets des miracles économiques du Vietnam et de la Pologne

Il y a trente ans, personne n’aurait osé parier sur eux. En 1990, le Vietnam était le pays le plus pauvre au monde. Avec un PIB de 98 dollars par habitant, il faisait pire que la Somalie ou le Sierra Leone. Depuis ? L’Etat d’Asie du Sud-Est a connu une ascension économique fulgurante. Aujourd’hui, moins de 5 % des Vietnamiens sont en situation d’extrême pauvreté (contre 80 % en 1990), tandis que deux tiers d’entre eux appartiennent à la classe moyenne.

Lors de la chute du mur de Berlin, la Pologne était l’un des pays les plus pauvres en Europe. Le Polonais moyen gagnait moins de 50 dollars par mois. En 1987, seuls 12 % d’entre eux possédaient un téléphone, contre 99 % des Allemands de l’Ouest. A cette époque, les cartes de rationnement pour le sucre, la viande, le beurre, le savon ou les cigarettes s’étaient généralisées. Même au sein des nations socialistes de l’Est, la Pologne faisait figure de cancre avec une forte dette et une inflation annuelle de 640 % en 1989. Depuis ? Le PIB par habitant a triplé grâce à une croissance moyenne de 3,5 %, ce qui en fait l’économie européenne la plus dynamique sur cette période. L’espérance de vie polonaise est passée de moins de 71 ans en 1990 à plus de 78 ans en 2020.

Comment les nations sortent-elles de la pauvreté ? La question obsède les économistes depuis le pionnier La Richesse des nations d’Adam Smith (1776). Dans How nation escape poverty (Encounter Books), tout juste paru en anglais, l’historien et sociologue allemand Rainer Zitelmann apporte sa contribution – très libérale – au sujet, en se penchant sur ces miracles vietnamien et polonais.

Réformes drastiques

L’auteur rappelle que ces deux peuples ont connu un passé douloureux. Guerre d’Indochine et du Vietnam pour le premier, Seconde Guerre mondiale et joug soviétique pour le second. Mais le Vietnam a su se tourner vers l’avenir et dépasser les rancoeurs coloniales. Selon une étude du Pew Research Center en 2014, 76 % des Vietnamiens avaient ainsi un point de vue positif des Etats-Unis.

Sur le plan économique, Vietnam et Pologne ont subi de plein fouet les déconvenues du communisme. Tirant les leçons du fiasco d’une économie planifiée, ils ont su entreprendre des réformes drastiques. A partir de 1986, avec le Doi Moi (“renouveau”), le parti communiste vietnamien a autorisé puis encouragé l’économie de marché. En Pologne, l’universitaire Leszek Balcerowicz, nommé ministre des Finances en 1989, a initié une “thérapie de choc”. La part des employés dans le secteur privé (en dehors de l’agriculture) a bondi de 13,2 % à 34,4 % dès 1992. Les deux Etats se sont également connectés à l’économie globale. Au Vietnam, les investissements étrangers directs sont passés de 7,6 à 16,1 milliards de dollars entre 2009 et 2019. Avec une population de près de 100 millions de personnes, il représente le dernier grand marché asiatique à se développer.

Populations très pro-capitalisme

L’originalité du livre de Rainer Zitelmann est de montrer à quel point ces deux nations se disent favorables au capitalisme. Selon une étude Ipsos-Mori qu’il a menée sur trente-trois pays, la Pologne possède la population qui soutient le plus la liberté économique, devant les Etats-Unis, la République tchèque ou la Corée du Sud. Au Vietnam, contrairement à la majorité des Etats sondés, les personnes associent le terme “capitalisme” à des choses positives, comme “progrès” (81 %), “innovation” (80 %), “une large gamme de produits” (77 %) ou “prospérité” (74 %). La Pologne et le Vietnam sont également les deux pays qui expriment le moins de jalousie sociale vis-à-vis des riches.

Bien sûr, tout n’est pas rose. Le Vietnam demeure un régime autoritaire avec un parti unique, toujours officiellement marxiste. Selon l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International, il ne se classe qu’au 87e rang sur 180 pays en 2021, même s’il a amélioré son score. En Pologne, le PiS, parti populiste au pouvoir de 2015 à 2023, a sérieusement remis en question les libertés économiques et l’indépendance judiciaire, avant que le libéral pro-européen Donald Tusk ne prenne sa revanche. Mais pour Rainer Zitelmann, les progrès spectaculaires de la Pologne et du Vietnam confirment que les enseignements d’Adam Smith, dont a célébré le tricentenaire il y a un an, restent d’actualité : croissance et liberté économique sont les meilleurs outils pour améliorer la richesse – et le bien-être – des nations.

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