Photovoltaïque : vent de panique sur la filière européenne

Photovoltaïque : vent de panique sur la filière européenne

La filière européenne du photovoltaïque est-elle vouée à connaître le même destin funeste qu’au tournant des années 2010 ? La demande n’a jamais été aussi forte : 56 gigawatts de puissance solaire ont été installés sur le Vieux Continent en 2023, un record. Mais un vent de panique souffle sur cette industrie. En Autriche et aux Pays-Bas, les fabricants de panneaux Energetica Industries et Exasun se sont tour à tour déclarés en faillite. Le norvégien NorSun, expert des galettes de silicium, a annoncé des arrêts de production assortis de licenciements. En France, le nantais Systovi déclare crouler sous les stocks, tandis que l’avenir de la pépite Photowatt reste incertain, faute d’investissements de son propriétaire EDF. De l’autre côté du Rhin – où se concentre le gros des forces –, des acteurs de premier plan menacent de fermer boutique, tels que le champion national Solarwatt.

Des accrocs à la timide renaissance du secteur qui tiennent une nouvelle fois à la férocité de la concurrence. La Chine, qui écrase l’ensemble de la chaîne de fabrication des panneaux solaires, ne cesse d’augmenter ses capacités. Et ses entreprises n’ont pas trouvé de meilleur débouché que l’Europe. Selon le think tank Ember, leurs exportations dans la région ont bondi de 34 % au premier semestre 2023, tandis que le prix de leurs produits a épousé la tendance inverse. Le cabinet Wood Mackenzie estime que les coûts de production des modules photovoltaïques chinois, déjà ultracompétitifs, ont chuté de 42 % sur un an. Et ce, au moment où l’Europe absorbait une hausse des prix de l’électricité.

L’IRA américain attire

De quoi ruiner les efforts de ses industriels, et dans une moindre mesure de ceux des Etats-Unis. Car la nouvelle avalanche de panneaux made in China tient beaucoup à la politique américaine. En vigueur depuis 2022, la loi contre le travail forcé des Ouïghours – une minorité musulmane de la province du Xinjiang violemment réprimée par Pékin – limite les exportations chinoises de composants et panneaux photovoltaïques. S’ajoute le fameux Inflation Reduction Act (IRA), dont les généreux crédits d’impôts favorisent la production locale. Et attirent un flot d’industriels alléchés par ce cadre protectionniste et la croissance attendue du marché américain, à l’image de l’italien Enel et du suisse Meyer Burger.

En difficultés financières, ce dernier veut accélérer son déploiement aux Etats-Unis, quitte à délaisser l’Europe. Les 500 salariés de son usine allemande de Freiberg pourraient payer un lourd tribut. Meyer Burger menace de fermer les portes du site dès le mois d’avril, cinglant “l’absence de mesures suffisantes pour créer une concurrence équitable en Europe”. Reste à voir s’il mettra sa menace à exécution. Depuis début février, l’horizon semble se dégager pour la filière du solaire. La raison : l’accord trouvé par le Parlement et le Conseil européen autour du Net Zero Industry Act (NZIA), la réponse bruxelloise à l’IRA. Un ensemble de mesures qui doit permettre à l’Europe de produire sur son territoire près de 40 % de ses besoins en technologies vertes d’ici 2030.

S’il doit encore être validé, “l’événement permet de voir le bout du tunnel”, se félicite le président du Syndicat des énergies renouvelables. “Ce futur accord impose des critères de résilience et de durabilité dans les appels d’offres, et laisse aux Etats membres la possibilité de définir le degré auquel ils souhaitent imposer ces critères. Cela incite à l’optimisme”, détaille Jules Nyssen. Avis partagé par le PDG de la jeune société Holosolis, dont l’usine mosellane est attendue avec impatience. Prévue pour 2025, elle est l’une des deux futures gigafactories tricolores avec celle que le français Carbon doit construire à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). A elles deux, elles doteront la France d’une capacité de production de 10 gigawatts… Sous réserve de sortir de terre. “Je mesure à quel point la situation des derniers mois a été difficile pour les acteurs européens existants, mais de notre point de vue, le marché s’est amélioré”, assure Jan Jacob Boom-Wichers, confiant sur la concrétisation du projet d’Holosolis. Il en va de la souveraineté française et européenne.

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