Plan eau : la France patauge encore sur la réutilisation des eaux usées

Plan eau : la France patauge encore sur la réutilisation des eaux usées

D’un côté, il y a le discours officiel, forcément rassurant : depuis le lancement en grande pompe du plan Eau par Emmanuel Macron en mars 2023, “100 % des engagements ont été lancés”, se satisfait-on au ministère de la Transition écologique. Et puis il y a le ressenti de terrain, moins optimiste celui-là. Notamment sur la réutilisation des eaux usées (REUT), l’un des éléments clef de la nouvelle stratégie du pays.

Petit retour en arrière : la France a accumulé un sérieux retard dans ce domaine, puisqu’elle recycle à peine 1 % de ses eaux usées. Une proportion bien plus faible que celle atteinte en Israël (plus de 85 %), à Singapour (40 %) ou même en Espagne (15 %). Pour se remettre à niveau, l’exécutif s’est fixé un objectif de 1 000 projets à développer d’ici à 2027, afin d’atteindre un taux de 10 % d’eaux recyclées à la fin de la décennie.

Le seuil visé semble toutefois hors d’atteinte au regard de la dynamique actuelle. Moins d’une quinzaine de projets ont vu le jour au cours des cinq dernières années, soulignait le groupe de travail sur l’évaluation des procédés nouveaux d’assainissement des petites et moyennes collectivités (Epnac), dans un panorama publié l’été dernier.

“Libérer un certain nombre de projets”

Le “gisement” de projets est conséquent, et l’affaire avance, rassure-t-on au ministère. Sur les 419 idées répertoriées, 136 seraient déjà mises en service, 88 en cours d’instruction et 200 à l’étude. Des données elles aussi réutilisées, puisqu’elles datent d’un précédent point d’étape réalisé en octobre. Cependant, les acteurs du secteur affichent un enthousiasme plus modéré. Le groupe Suez, qui distribue de l’eau à plus de 4 millions de clients, dénombre une cinquantaine de projets. Veolia, autre géant français des technologies de l’eau, indique être passé, en un an, de 3 à 50 opérations. “Nous avons pour objectif d’atteindre 200 opérations d’ici à 2025, au rythme des diverses autorisations administratives”, précise l’entreprise.

Une manière de rappeler qu’au-delà de l’impression de ressources infinies en eau, qui a longtemps endormi les esprits avant le dur retour à la réalité de la sécheresse 2022, le contexte réglementaire agit lui aussi comme un frein à la REUT. L’exécutif s’est attelé, en cette première année du plan Eau, à corriger le tir : un décret signé à l’été simplifie les procédures et supprime le délai d’expérimentation de cinq ans ; des arrêtés publiés en fin d’année précisent les seuils et conditions d’utilisation, encadrant par exemple l’arrosage des espaces verts, le nettoyage de la voirie, l’irrigation agricole ou plus spécifiquement les usages des eaux usées par l’industrie agroalimentaire. Un autre décret concernant l’utilisation domestique des eaux non conventionnelles devrait bientôt suivre.

“Ces paquets de textes doivent nous permettre de libérer un certain nombre de projets”, précise le ministère. Un pas dans la bonne direction, qui ne règle malheureusement pas un autre problème de fond souligné par l’Epnac : celui du modèle économique “encore à construire et qui mérite d’être sérieusement étudié”.

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