Ukraine : avec ses fortifications, Kiev cherche la parade sur le front

Ukraine : avec ses fortifications, Kiev cherche la parade sur le front

C’est le signe que Kiev envisage un conflit qui pourrait durer plusieurs mois, voire plusieurs années… C’est dans ce cadre que l’Ukraine a commencé à bâtir des fortifications le long de la ligne de front, une posture défensive censée retenir l’ennemi. Ce lundi 18 mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué “deux mille kilomètres de travaux pour renforcer les fortifications existantes et en créer de nouvelles”.

Une information que le ministère de la Défense britannique avait évoquée la veille, faisant état de “dents du dragon”, fossés anti-char, tranchées d’infanterie, champs de mines et positions défensives fortifiées. “L’établissement de positions défensives majeures est indicatif d’un conflit d’attrition et signifie que toute tentative pour les percer sera probablement accompagnée de fortes pertes”, estimait le ministère britannique sur X.

L’échec de la contre-offensive

D’après le journal The Kyiv Independant, la question de la construction de ces fortifications a émergé dès le mois de novembre 2023. Un moment où le pays était confronté à des tensions politiques internes, à la menace d’un tarissement de l’aide militaire occidentale et à la lente prise de conscience que la contre-offensive de l’été s’était soldée par un échec stratégique, rapporte le journal. Radio Free Europe rapporte de son côté que Kiev aurait alloué près de 466 millions de dollars pour ce projet de défense massif, alors qu’une contre-offensive de la Russie est pressentie au printemps, voire au début de l’été.

Ces lignes “prouvent que l’Ukraine a réalisé que son offensive avait échoué. Leur éventuel succès dépend de leur qualité” et notamment de la part du budget détourné par la corruption, endémique en Ukraine, a estimé auprès de l’AFP l’expert indépendant Alexandre Khramtchikhine. Elle devrait répondre à la “ligne Sourovikine” russe établie en 2023 dans l’est de l’Ukraine, qui comprend trois couches de défense dans la profondeur, destinées à la fois à épuiser les forces ennemies et à rendre plus difficile la prise de contrôle d’une zone après une percée militaire.

Les tactiques de type “Première Guerre mondiale”, avec l’avantage de la haute technologie apportée par les drones et d’autres innovations, continuent de dominer, note en outre le journal The Kiyv Independant. Dans une vidéo embarquée sur ces lignes de fortification, Radio Free Europe montre leur dotation, incluant des générateurs électriques, des chauffe-eau, mais aussi des machines à laver ou encore des saunas. “Ces lignes sont divisées en plusieurs secteurs, avec les positions de tirs et de défense, et plus en recul des endroits où les soldats peuvent se reposer”, indique le journaliste de radio.

De nouvelles frontières ?

L’utilisation de ce type de tactique n’est pas nouvelle depuis le début du conflit. “Les Ukrainiens se sont appuyés sur des fortifications depuis l’été 2022”, soulignent des analystes de l’institut privé de renseignement britannique Janes. “La vraie différence aujourd’hui, c’est qu’ils ne vont plus se concentrer seulement sur la proximité immédiate de la ligne de front” mais aussi solidifier leurs positions de l’arrière pour réduire “la probabilité que l’adversaire n’exploite des succès tactiques”. Pour l’Ukraine, cela marque toutefois un changement radical, car avec le retranchement naît le risque de geler durablement le conflit et donc de perdre de vue l’objectif de libérer les quelque 20 % du territoire occupés par la Russie, dont le Donbass et la Crimée.

Même si le front semble figé, la guerre “se trouve moins dans une impasse que dans une phase de ‘recharge’, les deux belligérants tentant de se doter des moyens d’emporter la décision à l’horizon 2025-2026”, assure pour sa part l’Institut français des relations internationales (Ifri) dans un rapport diffusé cette semaine.

Aucun des deux camps n’est aujourd’hui en mesure de gagner la guerre. Mais nul n’y a renoncé. Seth Jones juge “possible”, mais pas établi, que ces fortifications deviennent des “frontières de facto”. En janvier, le Premier ministre Denys Chmygal, évoquant la mise en place d’une “ligne de défense à grande échelle à trois niveaux”, avait assuré que ces fortifications ne devaient pas signifier la fin des actions offensives ukrainiennes.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *