En Israël, un général recadré après avoir émis de rares critiques contre Netanyahou

En Israël, un général recadré après avoir émis de rares critiques contre Netanyahou

Israël n’est de toute évidence pas la Russie. La presse n’est pas verrouillée et les oppositions ne sont pas bâillonnées. Mais dans l’Etat hébreu comme ailleurs, la parole des soldats est hautement surveillée, et les pas de côté, peu appréciés. Raison pour laquelle, seule une infime partie d’entre eux s’essaient à l’exercice. En sortant du silence, mercredi 13 mars, le général de brigade Dan Goldfus qui compte parmi les meilleurs éléments de Tsahal, appartient désormais à ce petit cercle de téméraires.

“Vous devez être dignes de nous”, lance-t-il, en pleine conférence de presse depuis la frontière de Gaza. Le commandant de la 98ᵉ division de Tsahal s’adresse ainsi aux dirigeants de l’Etat hébreu. Grand, massif, la barbe longue, le général de 48 ans martèle dans sa tenue vert kaki : “Vous devez être dignes des soldats qui ont perdu la vie. Vous devez être dignes des réservistes […] qui se sont battus et se battent les uns aux côtés des autres.” Sans omettre de rappeler au gouvernement, “l’échec retentissant” du 7 octobre. Aujourd’hui encore inavouable, pour le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou.

Le discrédit de Tsahal

Dans sa lancée, Dan Goldfus, qui a dirigé les opérations à Khan Younès, s’autorise même des critiques contre le gouvernement d’union nationale, dont le spectre s’étend des centristes libéraux aux plus conservateurs. “Assurez-vous que tout le monde participe, vous devez le faire”, en référence aux juifs ultra-orthodoxes, exemptés de service militaire.

Et de poursuivre, sans préciser clairement son propos : “Nous accomplissons de nombreuses prouesses sur le champ de bataille, […] vous devez faire en sorte que nous ne revenions pas au 7 octobre, que tous les efforts et les sacrifices ne soient pas vains. Vous devez garder cela bien présent à l’esprit, chaque jour, chaque heure.”

Très vite, les déclarations du général sont reprises par la presse locale, peu familière avec les coups d’éclat de hauts gradés de l’armée. Ni une ni deux, Tsahal contre-attaque et tente de rattraper le coup. “Le discours du général Goldfus n’a pas été approuvé”, sermonne ainsi l’armée israélienne, qui décide de lui infliger, en plus d’un coup de pression, une humiliation : l’annonce publique de sa convocation prochaine avec le lieutenant-général Herzi Halevi, qui n’est autre que le chef d’état-major.

L’appui des conservateurs

L’appel de Dan Goldfus “aux dirigeants de chaque camp” n’intervient pas à n’importe quel moment. Cela fait déjà plusieurs jours que les combats dans le sud de la bande de Gaza ont réduit en intensité. Ce qui n’est pas du goût des partisans d’une approche plus agressive. A droite de l’échiquier politique, le discours du commandant israélien a été largement plébiscité, même si peu de membres du gouvernement se sont levés pour exprimer leur soutien.

Le ministre de l’Intérieur, Moshe Arbel, issu du parti ultra-orthodoxe Shas, a par exemple déclaré qu’il “embrass[ait] et [avait] à cœur chaque mot prononcé par M. Goldfus”. Même tonalité du côté de son collègue aux Finances. Classé à l’extrême droite, Bezalel Smotrich a salué un “soldat courageux” dont Tsahal a aujourd’hui “plus que jamais besoin”. Et de critiquer vertement la décision du chef d’état-major de convoquer Dan Goldfus. “Ce n’est pas le moment pour des clarifications […]. Gardez les remarques de commandement et les clarifications pour les responsables de l’échec”, a ainsi sermonné Bezalel Smotrich sur son compte X (ex-Twitter) mercredi en début de soirée.

Plus nuancé, le ministre de l’Economie, Nir Barkat, qui a fait ses classes au Likoud, le parti représentant la droite modérée, attribue au commandant de la 98ᵉ division un comportement qui “n’a pas été parfait” sur toute la ligne, en référence certainement à sa sortie devant la presse israélienne quelques heures plus tôt. Reste que, selon lui, les paroles de Dan Goldfus “sont précises”. Et finalement de rejoindre ses collègues de l’aile la plus à droite du gouvernement, en concluant : “Je l’aime et je le soutiens.”

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