Nouvelle-Calédonie : les enjeux d’une triple visite ministérielle

Nouvelle-Calédonie : les enjeux d’une triple visite ministérielle

Trois membres du gouvernement Attal ont atterri ce mardi soir en Nouvelle-Calédonie. Le trio, composé du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, du garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, et de la ministre déléguée chargée des Outre-mer Marie Guévenoux, va ainsi entamer ce mercredi 22 février sa visite sur l’archipel du Pacifique Sud, frappé de plein fouet par une crise du nickel.

Et comme à l’accoutumée, le programme est dense. Au menu : partenariats, sécurité ou encore développement du système pénitentiaire.

Un nouvel établissement pénitentiaire

Vendredi, avant de rejoindre le sud de l’archipel pour la rentrée des avocats, le ministre de la Justice inaugurera ainsi le centre de détention de Koné, ouvert l’an dernier sur la côte ouest de la “Grande Terre”. En parallèle, Eric Dupond-Moretti devrait annoncer la construction d’un nouvel établissement pénitentiaire dans l’agglomération de Nouméa où l’actuelle prison, Camp-Est, est décriée pour sa surpopulation et ses conditions de détention. Un investissement “considérable de 500 millions d’euros”, s’est réjoui vendredi 16 février sur les ondes de Radio Rythme Bleu, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc.

Une nouvelle brigade de gendarmerie, spécialisée dans les atteintes portées à l’environnement, devrait également bientôt voir le jour. Jeudi, Gérald Darmanin, qui en est à sa sixième visite en moins de quinze mois sur l’île, se rendra à cet effet à Moindou, où il échangera avec élus et gendarmes. Le ministre devrait également signer “un protocole établissant la sécurité participative, dans le cadre du dispositif des éleveurs vigilants”.

La crise du nickel au centre des préoccupations

Des annonces qui ne doivent toutefois pas éclipser un dossier au sommet des préoccupations des acteurs locaux. Celui de la crise de la filière du nickel. La Nouvelle-Calédonie est l’un des territoires qui produit le plus de cet or gris au monde. Mais depuis plusieurs mois, le secteur enchaîne les déroutes.

Dernière en date, lundi 12 février. Après plus d’une décennie à exploiter le nickel calédonien, le géant minier suisse Glencore a annoncé mettre en veille la production de son usine métallurgique Koniambo Nickel SAS (KNS) de traitement pour une durée de six mois. Cataclysme pour cette économie locale très dépendante du secteur métallurgique. Quelque 400 sous-traitants devraient notamment voir leurs contrats suspendus ou arrêtés au 29 février prochain.

“L’usine du nord est un moteur économique pour toute une région, c’est dans son ADN. Rien qu’en 2023, ce sont 250 millions d’euros qui ont été injectés dans l’économie. Et ce sont des milliers de familles dont une grande partie est composée des communautés du nord”, explique Alexandre Rousseau, vice-président responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) chez KNS. Raison pour laquelle l’exécutif place le dossier en tête des priorités de la visite.

Les ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Outre-mer débutent mercredi 21 février une visite de trois jours en Nouvelle-Calédonie, où la filière de métallurgie du nickel est mal en point.

D’autant que KNS n’est pas la seule usine dont l’avenir est incertain. Dans le sud de l’archipel, Prony Resources est également à la recherche d’un repreneur. Un plan de sauvetage de l’Etat prévoit une restructuration de la sous-traitance et de ses 2 000 emplois. Mais est conditionné à la signature d’un “pacte nickel” censé pérenniser l’avenir de la filière.

Résultat d’une visite de novembre dernier, où Gérald Darmanin et Bruno Le Maire avaient tenté d’apporter des solutions à une filière qui pâtit des mauvais rendements, et de la forte concurrence étrangère. L’Etat espère voir cet accord politique aboutir d’ici la fin du mois malgré les visions divergentes des indépendantistes et des “loyalistes” sur la question des exportations de minerai brut.

Une visite politique malgré elle

Il faut dire qu’entre les deux camps, les pommes de discordes sont nombreuses. Le référendum d’autodétermination de décembre 2021 avait signé l’arrêt des discussions entre l’Etat et partis indépendantistes qui avaient boycotté le scrutin. En novembre dernier, à la faveur d’incitatives locales, le dialogue avait repris mais les partis indépendantistes ont peu goûté le projet de loi constitutionnelle, présenté par le locataire de Beauvau en conseil des ministres le 29 janvier dernier. Et ils ont indiqué, mardi, s’opposer à un texte ayant pour objectif d’élargir le corps électoral ouvert pour l’heure aux seuls natifs et résidents arrivés avant 1998.

Jean-Pierre Djaïwé, le porte-parole du Parti de libération Kanak (Palika) au Congrès de la Nouvelle-Calédonie, a notamment indiqué à la presse que le texte allait “dans le sens des non-indépendantistes”, pouvant, selon lui, nuire à la conclusion d’un accord entre les acteurs locaux. Ainsi, bien qu’il ait assuré que cette visite n’aurait “pas comme but principal de parler institutions”, Gérald Darmanin pourrait se voir interpeller sur la réforme du corps électoral pour les élections provinciales, qui constitue un scrutin majeur dans ce territoire où les provinces disposent de larges compétences.

Auditionné par la commission des lois du Sénat mardi dernier, le ministre de l’Intérieur a assuré que le principe d’une durée de résidence fixée à dix ans avait été acté par l’ensemble des partis. Des assertions balayées d’un revers de manche par l’Union calédonienne, principale composante du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS). “A aucun moment nous n’avons donné un quelconque aval”, a corrigé le parti indépendantiste, appréciant peu que “le gouvernement français interfère dans le dossier calédonien alors que les Calédoniens discutent pour trouver une solution pour l’avenir du pays”. Dans un pareil climat, le locataire de Beauvau danse sur un volcan.

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