Tabac : ces banques françaises qui continuent à perfuser une industrie “mortifère”

Tabac : ces banques françaises qui continuent à perfuser une industrie “mortifère”

“Chose promise, chose due”… Il arrive toutefois que la maxime fasse des déçus. Après s’être engagés à cesser d’alimenter l’industrie du tabac, une dizaine d’établissements bancaires français ont continué à financer par le biais de crédits, d’assurances ou d’investissements les géants d’un “commerce mortifère”. C’est ce qu’affirme un communiqué de l’Alliance contre le Tabac (ACT) publié ce mercredi 6 mars.

“Malgré le désastre humain, sociétal et environnemental que représente l’industrie du tabac, celle-ci continue de bénéficier de soutien financier […] de la part d’établissements français”, déplore le collectif qui rappelle que le tabac est à l’origine de 75 000 décès chaque année en France. Raison pour laquelle “il est urgent […] d’exclure strictement l’industrie du tabac de toutes formes de financement”, martèle Marion Cattelin, directrice de l’ACT-Alliance contre le tabac.

5 milliards de dollars de financements depuis 2018

À l’appui, un rapport commandé à l’organisme d’investigation Profundo, et dont les résultats sont accablants. Le document révèle que plus de cinq milliards de dollars de crédits ont été accordés par des acteurs bancaires français aux cigarettiers. Dans le détail, deux milliards de dollars ont été prêtés à l’industriel British Américain Tobacco, 1,3 milliard à Philip Morris International et 1,1 milliard à Impérial Brands sur une période qui s’étend de 2018 à 2023. “Des financements […] représentant des montants d’une particulière importance au vu des conséquences parfaitement connues du tabac sur la santé́ publique ou l’environnement”, souligne l’ACT.

Deux banques principalement seraient à l’origine de ces financements : le Crédit Agricole et la Société Générale. Mais “si la première a arrêté d’abonder l’industrie du tabac depuis 2021, la seconde a une vraie part de responsabilité”, souligne l’Alliance contre le Tabac. 83 % du soutien financier français proviendrait en effet de la Société Générale, qui aurait accordé plus de 9 millions de dollars de crédits aux entreprises de la filière sur l’année 2023.

En se gardant de tout commentaire sur les chiffres mis en lumière par l’étude, la Société Générale assure à nos confrères de l’AFP être “consciente des impacts environnementaux et sociaux associés au secteur du tabac, et rappelle s’être “engagée dans une stratégie de sortie du secteur”. Depuis septembre 2023, l’établissement bancaire est censé exclure l’industrie du tabac de tout financement.

Un désinvestissement qui patine

Outre les crédits accordés aux géants du tabac, les investissements en direction du secteur restent, aujourd’hui encore, pharaoniques : en novembre dernier, 733 millions de dollars étaient placés dans des actions de tabatiers. Des opérations réalisées par des institutions financières françaises, à hauteur de 40 % pour le Groupe BPCE, et à plus de 20 % pour le Crédit Agricole.

Deux établissements pourtant signataires du “Tobacco Free-Finance Pledge”, instauré en 2018 par l’ONG australienne “Tobacco-Free Portfolio” avec le soutien de l’OMS. Une charte, qui a pour objectif d’inciter les acteurs financiers internationaux à réduire les investissements dans l’industrie du tabac. À ce jour, 204 établissements bancaires y ont apposé leur signature, mais nombreux continuent à ne pas respecter l’ensemble des engagements, à l’image des établissements français épinglés par le rapport.

“Au-delà des politiques de santé publique, la lutte contre le tabagisme se joue aussi sur le plan financier. Si l’industrie du tabac réussit à maintenir son commerce mortifère, c’est aussi grâce aux ressources que lui apportent les établissements bancaires et les fonds d’investissements”, fait valoir Marion Cattelin.

Renforcer les politiques d’exclusion

Si l’Alliance contre le Tabac concède une tendance au désinvestissement, notamment grâce à l’adoption de politiques d’exclusion sectorielle, des efforts doivent encore être réalisés avant d’atteindre une “finance sans tabac”. “Les politiques d’exclusion adoptées par les acteurs financiers ne sont pas assez strictes”, note par exemple le collectif.

Par ailleurs, dans un document de synthèse publié ce mercredi, l’ACT étrille le label ISR (pour “Investissement Socialement Responsable”), conçu à l’origine pour concilier à la fois souci de rentabilité et enjeux environnementaux et sociétaux. Son crime ? Ne pas avoir banni strictement “l’industrie du tabac” et se contenter de se limiter à l’exclusion des émetteurs dont plus ‘de 5 % de leur activité relève de la production ou la distribution de tabac'”.

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